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Le blog de la Fée Myrtille
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28 mars 2010

L'ère du postféminisme

Monstre_journalL'ère du postféminisme, c'est le titre choisi par la revue Sciences Humaines pour son dossier du mois. Je ne connaissais pas cette revue mais quand je suis tombée sur sa couverture au détour d'une allée de médiathèque, je n'ai pas pu résister au plaisir de découvrir le postféminisme.

Je dois avouer que ce titre m'a beaucoup intriguée tout simplement parce que je n'avais encore jamais entendu parler de postféminisme. La définition donnée par la revue en question m'a tellement surprise que j'ai fait quelques recherches sur le sujet. J'ai alors découvert que le postféminisme regroupait des courants qui se différenciaient du féminisme des années 70 en réfutant la seule domination masculine dans les rapports hommes/femmes et en préférant élargir l'étude des rapports humains notamment en étudiant les notions de sexe et de genre (ex: Judith Butler).

En lisant la revue Sciences Humaines, j'ai plutôt eu l'impression qu'ils parlaient de postféminisme comme si le féminisme n'existait plus et que nous en étions déjà à l'heure du bilan. Soupçons confirmés par les premières lignes d'un des articles du dossier: «Profitant des combats féministes de leurs mères, plus éduquées, libérées du stigmate de l’infériorité féminine, les nouvelles générations revendiquent leur liberté tout en affichant leur féminité. Sommes-nous entrés dans l'ère postféministe ?» Réjouissez-vous mes soeurs et mes frères, nous sommes à deux doigts d'entrer dans une nouvelle ère, sans féminisme et pleine d'égalité entre les sexes! Vous n'aviez pas remarqué? Heureusement Sciences Humaines est là pour vous ouvrir les yeux et pour définir cette nouvelle ère qui paraît si complexe: «Elles sont avocates, vétérinaires, chercheuses, politiques ; mais aussi "Pintades", phallic girls, mères écolos ou féministes voilées… Comment définir l’ère du postféminisme face à la diversité des modèles féminins contemporains ?».

Heu... comment dire?... mais où sont-ils allés chercher tout ça?! Lire ce genre de phrases dans Elle ou Biba, ça ne m'étonne plus mais dans une revue qui s'intitule Sciences Humaines et dont l'éditeur déclare proposer «des ouvrages exigeants et rigoureux» , je n'en reviens pas! Cela n'a rien de scientifique, c'est tout simplement racoleur. Donc au menu du postféminisme, nous avons:

  • des «pintades» parce que les potiches ça fait toujours bien dans le décor

  • des «phallic girls» parce qu'un soupçon de sexe c'est toujours vendeur

  • des «mères écolo» parce qu'en 2 mots on surfe sur la tendance écolo et sur la notoriété d'Elisabeth Badinter

  • des «féministes voilées» parce que polémiquer sur le voile c'est top tendance.

Dans ce magnifique dossier, il y a également une pleine page consacrée à Susan Pinker qui n'est autre que la version féminine de John Gray, auteur du livre «Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus». Je ne suis absolument pas d'accord avec cette dame qui soutient qu'une femme préfère par nature refuser une promotion pour rester à la maison, mais tous les points de vue doivent être exposés quand on choisit de présenter le postféminisme dans son ensemble. Le problème c'est que, visiblement, chez Sciences Humaines on a un parti pris journalistique. Si Susan Pinker a eu droit à une page entière, en revanche Judith Butler n'a eu droit qu'à quelques lignes tellement bien rédigées qu'elles donnent l'impression que la philosophe a travaillé sur la notion de genre et inventé les Dragqueens! 

Je n'étais pas au bout de mes surprises. J'ai ensuite appris que les femmes étaient «libérées du stigmate de l’infériorité féminine», qu'on pouvait être féministe et voilée, que si les femmes faisaient autant de corvées ménagères c'est parce qu'elles le voulaient bien, etc.

J'ai finalement abandonné ma lecture en voyant l'article sur les femmes cougars, illustré par une photo de Demi Moore.  C'était trop pour moi, j'avais l'impression de lire Voici.

Tout un dossier consacré au féminisme dans une revue a priori sérieuse et c'est un coup porté à l'égalité femmes/hommes ainsi qu'aux combats féministes. Chers journalistes de Sciences Humaines, ce n'est pas en prenant comme argument le succès des séries Desperate Housewives, Ally McBeal ou Sex in the City que vous allez nous convaincre que nous ne subissons aucune humiliation, aucune discrimination ni aucune violence en raison de notre sexe. Il existe encore de nombreux combats à mener pour que les femmes soient enfin respectées et votre dossier ne nous y aide pas.


 

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Commentaires
F
@ Mathoo: ce dossier a été coordonné par une femme et mes reproches portent sur des articles écrits par des journalistes femmes. Curieusement, je ne trouve rien à redire sur les articles écrits par des hommes.<br /> <br /> @ Clémence et Amandine: Merci beaucoup pour vos commentaires qui m'ont poussée à relire le dossier et à clarifier ma pensée. Je vais publier un nouveau billet afin d'expliquer plus clairement ce que je reproche à cette revue.<br /> <br /> @ Alice: lol, je ne connaissais pas cette citation mais elle est tout à fait appropriée. Merci!
A
Pour reprendre une phrase d'une féministe : je serai post-féministe quand nous serons dans une société post patriarcale.
A
je ne suis pas non plus d'accord avec ce jugement sévère.<br /> Premièrement, je ne pense pas que ce dossier déclare la mort des combats féministes : il est dit partout que la lutte pour l'égalité doit continuer (et même la psychologue Suzan Pinker le mentionne).<br /> Par ailleurs, ce que j'ai ressentis, c'est que ce que nous proposais cette revue, c'était une manière de déculpabiliser les femmes d'être femmes. Pour ma part, autant je trouve que les luttes des féministes ont été (et peuvent toujours être) nécessaires et salutaires, autant je me demande si on a intérêt aujourd'hui à continuer d' enfermer les femmes dans un statut de victimes, ce qui aboutit à les maintenir dans un statut d'infériorité. <br /> Bref, je trouve que ce dossier donne un souffle de liberté même si on peut ne pas être d'accord avec certaines interprétations, sort de positions très dogmatiques sur les femmes. Il donne à penser, et les petits portraits notamment montrent quand bien la diversité, les contradictions, la complexité du sujet...
C
Bonjour Fée myrtille ! Comme toi, je me définis comme féministe. Mais je ne suis pas du tout d'accord avec ta lecture de ce numéro de Sciences Humaines (l'un des magazines les plus intéressants, à mon avis, et qui a consacré le plus de dossiers à la cause des femmes... et au féminisme !). D'abord, ce numéro ne prêche en aucun cas pour la pintade, la cougar ou la femme voilée. Il montre que de nouvelles figures et stéréotypes féminins émergent dans le débat public, et qu'ils "cassent les repères du féminisme traditionnels". Pourquoi le nier et se voiler la face ? C'est en prenant en compte ces stéréotypes et ces discours stridents qui s'élèvent dans la société que la pensée peut être plus complète, plus discursive et moins idéologique. Ce dossier a aussi le mérite de contextualiser et de mettre en perspective les nouvelles théories du féminin et des relations hommes-femmes (Susan Pinker, mais aussi François de Singly, Camille Froidevaux-Metterie, Beatriz Preciado...) dans une perspective pluridisciplinaire, ce qui est rare et permet une clarification des différents positionnement. Il ne nie en aucun cas qu'il y ait encore des combats à mener. Je cite l'intro : <br /> "En ce début de XXIe siècle, on pourrait penser que les objectifs d’égalité des combats féministes ont été atteints. Pourtant (...)les inégalités de salaires (l’écart salarial hommes/femmes est de 20 % en France, à horaires équivalents), de représentation politique, le sexisme ordinaire ou les agressions plus violentes de la part de certains hommes, le différentiel quasi immuable du partage des tâches domestiques et éducatives sont devenus des sujets de préoccupation récurrents dans les médias et dans l’agenda des politiques. Il ne faudrait pas, prévient la politologue Camille Froidevaux-Metterie (1), confondre « le plan des préceptes et celui de leur réalisation ». Mais, constate-t-elle, «  que l’on soit encore et encore obligé de défendre (ces droits), qu’il s’agisse souvent d’imposer leur réalisation, qu’il faille tout bonnement décider de les appliquer, dans tous les cas, c’est au nom de fondements jugés indiscutables par tous, y compris même ceux qui les bafouent (…). Le mouvement égalitariste se poursuit de façon irrésistible, fermement soutenu dans nos démocraties par un ensemble de principes consacrés par le droit."<br /> Je pense être plutôt d'accord avec ça... Et il me semble qu'un tel point de départ permet de faire voler le débat nettement plus haut que la traditionnelle guéguerre entre féministes et anti-féministes. <br /> <br /> Voilà, pour moi, ce dossier m'a beaucoup fait réfléchir, et je te trouve très injuste de le rapprocher de Biba ou de Voici (peut-être tes propres convictions t'ont-elles empêché de VRAIMENT lire les arguments qui n'allaient pas dans ton sens, pour ma part, je préfère toujours écouter ce qui contrecarre mes présupposés) Maintenant, je n'ai aucune action dans cette revue, je ne tiens pas particulièrement à défendre ses journalistes, et ce n'est que mon humble avis de lectrice!
M
La personne qui a écrit l'article? Homme ou femme?
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